Cette situation vous est-elle familière ?
Votre expresso matinal avalé d’un trait, vous vous posez devant votre ordinateur en vous disant : “Bon OK… Par quoi je commence ?”
Pas de plan précis pour la journée. Mais déjà une chose vous titille le bout des doigts.
Internet. Voilà un formidable moyen de procrastiner.
Alors, comme c’est moins fatiguant de cliquer que de décider sur quoi travailler, vous pensez naturellement : “Allez, je vais vite aller voir mes mails…”
Et hop ! Vous voilà parti dans votre boite virtuelle remplie de demandes diverses, nouvelles fascinantes et urgences à régler.
Résultat ? Vos meilleures heures sont dilapidées sur les objectifs des autres. Ou sur des sujets secondaires.
Ce qui vous met en rogne car ce petit manège quotidien vous éloigne de ce que vous voulez accomplir….
Comme ce projet dont vous serez fier une fois bouclé. Ce chantier qui vous fera gagner du galon. Ou cette soirée tranquille que vous aviez prévue une fois ce dossier épineux clos.
Mais comment faire pour arrêter de remettre au lendemain vos priorités ?
Vous saurez tout dans quelques lignes.
D’abord, sachez que vous n’êtes pas seul(e) dans cette situation. Selon cette étude comptant 308 participants, 47% du temps passé en ligne est dédié à… Procrastiner.
Et c’était en 2001 !
Internet n’était pas aussi attrayant qu’aujourd’hui. YouTube n’existait pas, Facebook non plus et que dire d’Instagram ?
Internet en 2001
Alors pour arrêter de procrastiner, je vous ai concocté une nouvelle méthode :
La méthode Komodolee© (prononcée Komodoli)
Avant de vous la dévoiler en avant-première (je ne l’ai mentionnée nul part ailleurs pour le moment), je dois vous parler d’un aspect crucial de la procrastination.
Entre vos cours de maths et d’histoire, il y a peu de chances qu’on vous ait enseigné ceci :
En effet, c’est une chose de commencer.
Mais certaines personnes sont si heureuses d’avoir réussi à démarrer qu’elles vont se récompenser avant d’avoir terminé.
Au final, rien ne se concrétise. Et la vue de tous ces projets en cours provoquent vite des sueurs froides.
Après avoir résisté à la horde d’ingénieurs du GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui l’incitent à passer un temps déraisonnable sur les réseaux sociaux grâce à la captologie…
Après avoir dit non à Netflix et à ses amis l’invitant à déjeuner…
Marc commence à travailler sur ce document important.
Mais soudain, il lui manque une information cruciale pour terminer son chapitre. Il lance alors une recherche internet.
Et une heure plus tard, sans vraiment savoir pourquoi, ni comment, il termine sur le site « Wait but why » en lisant un article lui expliquant comment choisir une bonne carrière.
Ou mieux, sur un article qui lui montre comment ne pas procrastiner (comme celui que vous êtes en train de lire).
Si le cas de Marc vous semble familier, faisons en sorte que le moment passé en ma compagnie vous soit utile.
Comme le dit Robert Green dans son excellent ouvrage « Mastery » :
La procrastination est une tendance humaine qui met la priorité sur les bénéfices immédiats (avec un minimum d’efforts) plutôt que sur les bénéfices longs termes.”
Pourquoi me faire mal à travailler mes cours du soir pour décrocher un diplôme dans 2 ans et monter en grade dans mon entreprise, si dans 5 minutes je peux me relaxer devant une série Netflix ?
Donc le premier aspect à comprendre avec la procrastination, c’est qu’il n’y a pas de gènes de procrastinateur.
Tout le monde à cette tendance en soi.
Et cette notion varie d’un individu à l’autre.
Par exemple, si je devais marcher 2 heures avec un caillou dans la chaussure, sous un soleil de plomb avant de commencer à écrire, Clément attendrait encore mon article.
J’aurai procrastiné car ce serait trop dur de commencer.
Ou alors…
Si je devais rédiger cet article sur un ordinateur qui s’éteint toutes les 2 minutes et m’affiche la lettre P sur mon éditeur de texte quand je tape sur A, j’aurai vite abandonné la rédaction.
Car ce serait trop dur de continuer.
Ou…
Si le site Temps Action avait 2 visiteurs par jour, les conséquences liées à la rédaction de mon article auraient été trop faibles pour m’inciter à agir. Mais comme des milliers de gens lisent ces articles, les conséquences me motivent à taper frénétiquement sur mon clavier.
Cela nous mène au concept important à saisir lorsqu’on aborde la procrastination :
Ce n’est pas un gène qui sépare les procrastinateurs des personnes productives, mais la configuration des tâches en elles-mêmes.
Et ça fait du bien de le comprendre. On peut arrêter de se culpabiliser en se disant : « Julien, tu n’arriveras jamais à t’y mettre. Tu n’es qu’un bon à rien » (ou tout autre genre d’auto-insulte qui flingue l’estime personnelle).
Si vous continuez de procrastiner, c’est que vous n’avez pas encore trouvé la bonne formule concernant une tâche particulière.
Et pour ça, vous devez prendre en compte les 3 éléments d’une tâche :
Mais attention, car un seul élément repoussant sur 3 peut vous inciter à procrastiner la tâche en totalité.
Par exemple, je peux avoir un ordinateur très performant à portée de main, une musique motivante qui m’incite à écrire, ainsi qu’une check-list à suivre pour me faciliter le travail et apprécier la tâche en cours…
Mais l’absence de conséquences m’incite à repousser cette tâche à demain.
Puis au surlendemain… Bref, je ne vais pas vous faire de dessin. Si vous lisez ces mots, c’est que la procrastination vous dit vaguement quelque chose 😉
Ces 3 éléments vont alors vous servir de levier d’actions contre la procrastination.
Vous l’aurez compris. Pour rendre une tâche attirante, il faut que :
Ou alors…
Que les tâches distrayantes soient plus difficiles à débuter.
Plus difficiles à continuer…
Avec des conséquences fâcheuses pour vous.
Et là, d’un coup, l’organisation devient créative.
Pour mettre en perspective cette notion de conséquences, prenons une fausse solution que je vois souvent chez mes lecteurs. Ils cherchent à se mettre la pression en avançant une deadline.
Ils se disent : “Je dois préparer une réunion pour le 31 janvier. Je vais donc avancer la deadline au 15 janvier pour me forcer à travailler.”
Mais cette technique populaire ne marche pas parce que les conséquences restent au 31 janvier. Et se mentir à soi-même est un exercice assez compliqué.
Pour que cette technique fonctionne, il faut réussir à avancer la deadline ET les conséquences de ne rien faire. Vous voyez ?
Pour en revenir à la méthode Komodolee, le plus important est dit.
Maintenant que le décor est planté, en quoi la méthode Komodolee va vous aider à vaincre la procrastination ?
Je vous montre.
Celle-ci va agir sur les 3 éléments d’une tâche qu’on vient de voir : le début, la tâche elle-même et les conséquences de la tâche.
Là, vous vous dites peut-être : “OK, super ! Mais…”
La méthode Komodolee est une solution 3 en 1 regroupant :
Je l’ai découverte « par hasard » en me demandant comment rendre mes journées encore plus productives. Tel un apprenti chimiste qui fait des tests dans son laboratoire.
La genèse de Komodolee
Je vais vous expliquer comment combiner ces 3 méthodes pour en synthétiser un puissant remède contre la procrastination.
Mais juste avant, laissez-moi vous donner brièvement les avantages de ces 3 méthodes.
Inventé par Monsieur Taiichi Ohno pour le groupe Toyota à la fin des années 40. Puis reprise par les travailleurs du savoir au début des années 2000.
La méthode Kanban permet de visualiser le flux de travail à faire. Mais surtout, de se concentrer sur un seul élément à exécuter (ce qui facilite le début de la tâche).
Ce système réduit les pensées parasites à propos des choses qui ne sont pas encore en cours de réalisation (ce qui facilite l’exécution de la tâche).
Le concept est simple : 3 colonnes sont disposées visuellement sur un mur ou un logiciel.
Visuel d’un Kanban
On réduit alors l’effet repoussant des grands projets.
Plutôt que de penser « je dois mettre sur pied une réunion importante » en me disant « Mon dieu… par où je commence? », on va mettre dans la première colonne tout ce qui doit être fait et dans quel ordre.
Puis en basculant la toute première tâche à faire dans la seconde colonne, on se concentre sur un seul élément.
Ainsi :
« Je dois mettre sur pied une réunion » (qui est flou et paralysant) devient « je dois créer un sondage Doodle à envoyer aux participants afin de trouver une date qui convient à tous » (spécifique et donc moins paralysant).
Une fois que c’est fait, je déplace cette tâche dans la colonne « Fait. »
Petit à petit, de plus en plus de tâches réalisées se retrouvent dans la dernière colonne et c’est motivant de voir tout ce qui a été fait.
La méthode Kanban se prête aussi bien aux projets individuels qu’aux projets de groupe. Je ne rentre pas dans le détail maintenant, mais si vous voulez en savoir plus sur la méthode Kanban), c’est par ici.
Inventée par Francesco Cirillo dans les années 80, cette méthode vous incite à travailler de manière concentrée durant un temps défini (en général 25 minutes) puis à prendre une courte pause (5 minutes).
Le minuteur : essentiel pour calibrer vos périodes de travail et de repos
En quoi cette technique agit sur la procrastination ?
Voici l’astuce : au lieu de succomber aux tentations habituelles qui parasitent vos sessions de travail, vous les utilisez comme récompense lors de la pause de 5 minutes.
Un exemple : vous travaillez sur un dossier avec l’aide d’un minuteur pour concentrer vos efforts. Mais après 11 minutes seulement, vous ressentez le besoin quasi incontrôlable d’aller consulter vos emails.
Vous sentez l’envie brûlante vous envahir telle la vapeur montant en pression dans une cocotte minute.
C’est alors que vous reprenez vos esprits en disant : “Non ! Je vais attendre la fin du cycle et aller jeter un oeil à ma boite mail durant ma pause de 5 minutes.”
Vous repoussez une récompense immédiate (les emails) et vous l’utilisez pour terminer le travail en cours. Méthode très efficace pour ceux qui l’ont testé.
La méthode Pomodoro comporte d’autres avantages, comme le fait de pouvoir prendre l’air. De Prendre un peu de distance avec le travail en cours. Et de se demander comment éviter les interruptions.
Depuis que je l’utilise, je me sens mieux à la fin de mes journées de travail intense.
Mais vous pensez peut-être « 25 minutes n’est pas suffisant pour rentrer dans un état de concentration intense ! »
Bonne nouvelle : la méthode est flexible. Vous pouvez très bien travailler 45 min et prendre des pauses de 10 minutes. Libre à vous de sentir ce qui convient le mieux.
Pour aller plus loin, la méthode Pomodoro est expliquée en totalité sur un site dédié.
En 1918, un consultant en productivité du nom de Ivy Lee persuada Charles M. Schwab, roi de l’acier à l’époque, de tester sa méthode.
Sa promesse ? Doubler l’efficacité de ses employés et faire grossir ses profits au passage.
Cette méthode est très simple en apparence :
Première étape. Chaque soir, avant de terminer votre journée de travail, vous allez définir les 6 tâches importantes à réaliser le lendemain.
Classez-les ensuite par ordre d’importance.
Ce travail de priorisation nécessite du temps et de l’énergie qu’il est préférable d’investir la veille. Je vous invite à ce propos à découvrir le livre “Your brain at Work.” Un chapitre passionnant parle de cette activité comme étant l’une des plus énergivores.
Pensez-y : c’est souvent parce qu’on ne sait pas exactement sur quoi travailler que le début de la tâche est compliqué.
On finit donc par faire le plus facile au lieu de prioriser : jeter un œil à ses emails, prendre un café avec ses collègues, trainasser.
Donc première étape : 6 tâches à inscrire le soir avant de fermer l’ordinateur.
Deuxième étape. Le matin, exécutez les 6 tâches sans rien faire d’autre.
Un imprévu ? Vous essayez de le repousser à plus tard.
Et si c’est un imprévu inévitable (votre boss vous dit “Vous avez 2 minutes ? Il faut qu’on parle.”), alors vous le gérez, puis vous revenez directement sur la tâche que vous avez mise en pause.
Troisième étape. Le soir, si certaines tâches n’ont pas été réalisées, vous reportez celles-ci en première position dans la liste du lendemain. Puis vous complétez cette liste pour arriver à 6 éléments.
Parce que vous allez inconsciemment vous dire :
À la fin de vos premières journées de pratique de la méthode Ivy Lee, il vous restera parfois 4 tâches non réalisées. Puis 3 tâches.
Et avec le temps vous vous surprendrez à estimer de mieux en mieux la durée des tâches. Et parfois, vous serez étonné d’avoir terminé vos 6 tâches à midi.
Voilà pour la présentation rapide de ces 3 modèles.
Maintenant, je mixe ces trois méthodes et je vous présente (enfin) :
Cette application se nomme Workflowy.
Elle permet d’organiser votre quotidien et votre information au même endroit (ce couteau suisse m’a remplacé 5 applications).
Application de la méthode Komodolee dans Workflowy
Je vous montre une vidéo un peu plus loin pour vous montrer exactement ce que je fais.
Mais voici comment mettre en place la méthode Komodolee :
Chaque soir, vous allez ouvrir votre calendrier qui se trouve dans Workflowy.
Dans le jour à venir, vous aurez un onglet intitulé « Komodolee. »
Cet onglet sera composé de 3 autres onglets :
Notez que vous retrouvez la structure de la méthode Kanban, à un détail près : celle-ci n’est pas horizontale, mais verticale.
Dans le Komodolee du jour, vous allez inscrire les 6 tâches à réaliser, par ordre d’importance (méthode Ivy Lee).
Le jour venu, vous allez vous mettre devant votre ordinateur. Et plutôt que de vous dire « que vais-je faire maintenant ? », vous allez ouvrir la date du jour et travailler sur la première tâche à faire.
Le début de l’activité est donc facilité.
En commençant sur la première tâche, vous allez mettre en route un minuteur. Voici l’extension Tomato Timer pour Google Chrome.
Ce qui est chouette avec Tomato Timer, c’est que vous pouvez indiquer les sites à bloquer durant le travail.
Mais il existe bien d’autres applications. Il vous suffit de chercher le terme « pomodoro. »
Chaque fois que vous terminez un cycle pomodoro, vous inscrivez une barre de couleur à côté de la tâche dans Workflowy pour indiquer votre avancée.
Ainsi vous voyez votre progression et indirectement, vous vous sentez gagner.
C’est très motivant de se voir faire ce que l’on s’était engagé de faire. Ça augmente la sensation de contrôle. Et le cerveau aime ça.)
Un autre point intéressant, c’est que vous visualisez combien de temps vous a pris une tâche. Vous devenez donc un meilleur planificateur.
Une fois vos 6 tâches basculées sous l’onglet « Fait », vous pouvez soulever des kettlebells, regarder une série Netflix (je vous recommande BlackMirror : Bandersnatch) ou aller manger avec vos amis.
L’idée est de vous récompenser.
Voici une petite vidéo montrant comment j’utilise la méthode Komodolee avec l’application Workflowy :
Honnêtement, je n’ai pas trouvé de logiciel offrant une telle flexibilité.
Mais mon avis n’est pas objectif, car je suis complètement fan de Workflowy (vous trouverez mon article de test ici).
En revanche, je suis ouvert à toute suggestion de votre part car j’aime tester de nouvelles méthodes et outils d’organisation.
Et si vous ne voulez pas utiliser la méthode Komodolee ? La lecture de cet article aura-t-elle été une perte de temps totale ?
Je ne pense pas. Vous pouvez utiliser les différentes méthodes qui compose Komodolee, mais séparément.
Ce sera moins utile pour lutter contre la procrastination, mais c’est toujours mieux que rien.
Maintenant que nous avons fait le tour de cette méthode, j’aimerais vous entendre.
Avez-vous des recommandations pour l’améliorer ?
Des remarques ?
Les commentaires sont là pour ça. Je réponds à tout le monde.
Merci pour votre attention.
Livres & Sources pour aller plus loin dans la procrastination :
– La procrastination de John Perry
– Solving the procrastination puzzle de Timothy A. Pychyl
– Addiction, procrastination and Laziness – A proactive guide to the psychology of motivation de Roman Gelperin
Photo © alessandrozocc
Julien Gueniat est le fondateur de l’Organisologie et l’auteur du livre “2 heures chrono pour mieux m’organiser.” Il aide les entrepreneurs ambitieux à quitter l'opérationnel en 90 jours.